Les bases du mémoire de recherche appliquée

Les bases du mémoire de recherche appliquée

L’objectif de cet article est de vous donner les bases déterminantes à la production du mémoire de recherche appliquée (aussi appelé mémoire de terrain). C’est un document qui a pour finalité la résolution d’une problématique tirée d’une entreprise. Afin de cheminer vers une réponse claire au problème évoqué, il est nécessaire de s’appuyer sur la recherche pour outiller l’analyse. En d’autres termes, une enquête terrain, appuyée sur les résultats de la recherche sera menée.

 

Le mémoire, pas uniquement une finalité académique

Et si on prenait l’exercice du mémoire non pas comme une obligation mais comme un défi palpitant ?

Bien qu’il soit généralement imposé et l’une des conditions pour l’obtention de son master, le mémoire est également l’occasion de vous spécialiser. On rédige un mémoire pour soit avant tout, sur un sujet que l’on souhaite découvrir ou approfondir. Ne vous faites pas d’illusions, vos responsables académiques ne vont pas lire les 10 mémoires pris sous leur aile.

Par contre, il peut intéresser un grand nombre de professionnels et chercheurs. Vous découvrirez alors vite les opportunités professionnelles qu’il peut déclencher. Ce travail peut véritablement asseoir votre légitimité sur un sujet à défaut d’avoir de l’expérience, ce dont manquent cruellement les jeunes diplômés. Les heures de recherche et de réflexion peuvent permettre à des structures de résoudre une problématique et mettre en place des actions bénéfiques à l’organisation. Le mémoire est donc une ressource, et toute ressource a un prix (une embauche ? Une rémunération ? Un ticket d’entrée ?).

 

L’organisation pré-mémoire

Avant que vous sautiez ce paragraphe, dites-vous que travailler à 50% de votre efficacité dans un endroit qui ne vous convient pas, c’est livrer son mémoire en un an au lieu de 6 mois. Alors définissez dès le début un lieu qui vous convient. J’ai très vite opté pour la bibliothèque, le matin, sans connexion internet. En fait, je venais avec deux ou trois articles scientifiques pré téléchargés à décortiquer, sur une plage de 3 heures. Réservez plutôt vos créneaux d’une heure pour la recherche d’article, pour contacter un chercheur ou votre responsable.

Fixez un objectif raisonnable et un temps de travail avant chaque séance. L’idée du calendrier sur un mois est une technique qui permet de bien s’organiser et d’aider les plus facilement distraits. Il vaut mieux être à jour dans son avancée que de subir un stress permanent. Bien sûr prévoyez des week-end off et des plages “rattrapage de retard” 😉 Dernière règle : toute action qui prend moins de 5 minutes (proposer un rendez-vous, organiser ses documents, ajouter une idée) est à faire sur l’instant.

 

L’art de la problématique

Dans un mémoire de recherche appliquée, la problématique est en lien direct ou indirect avec une entreprise. Pour déceler un problème dans la structure, il faut s’entretenir avec le gérant dans l’idéal et/ou avec votre maître de stage. L’idée est de construire une mindmap en leur posant la question “quels sont vos besoins aujourd’hui ?”. Derrière un besoin, se cache toujours plusieurs raisons dont la personne n’a pas toujours conscience. Il faut donc retravailler les besoins énumérés de façon à aller à la source du problème. Cette étape est primordiale puisqu’elle donne de vraies pistes de réflexion et évite de s’embarquer dans un mémoire “vide”.

Dans cet exemple, la problématique qui a découlée était premièrement « comment accompagner et soutenir un dirigeant ? ». Puis elle s’est centrée sur un des moyens d’accompagnement, le mentorat. Après plusieurs lectures scientifiques, la version finale est devenue : « Quels sont les enjeux du rôle psychologique et de carrière d’un mentor pour le dirigeant confirmé ? ».

Une problématique doit donc être ciblée sur un des aspects du problème identifié. Plusieurs exemples pour m’expliquer :

  • Quels sont les leviers pour développer une start up ? → Comment l’innovation (ou les ressources humaines) peut faire croître une start up ?

Ici, on passe d’un mémoire “fourre-tout” et descriptif à un mémoire d’analyses plus profondes sur une des facettes de la croissance.

  • Comment améliorer la performance d’un écosystème entrepreneurial ? → Comment améliorer la performance de l’écosystème entrepreneurial du digital à Annecy ?

Dans ce cas, on passe d’un sujet déjà traité par des chercheurs à un mémoire à forte valeur ajoutée pour la ville d’Annecy et l’ensemble de ses acteurs.

La définition de la problématique façonne en grande partie la qualité et l’intérêt de votre mémoire, c’est pourquoi pensez à la faire valider par des experts.

 

La lecture scientifique, les fondations d’un mémoire

La lecture scientifique est une étape clé pour un mémoire de recherche appliquée. Prenez-vous idéalement deux mois de lecture avant d’entamer la conception d’un plan. En fait, c’est à travers la lecture que votre plan va émerger naturellement. C’est également à travers la lecture que vous gagnerez en légitimité et en connaissance. Et qui dit expertise, dit rapidité dans la rédaction. Il en faut de la matière pour rédiger 50 pages !

Alors comment s’y prendre ?

Google scholar est notre ami encore une fois. C’est le moteur de recherche des lectures scientifiques, tout comme Cairn. Les articles sont parfois payants mais à coup sûr votre école a négocié des accès pour ses étudiants. Vous pouvez vérifier le “prestige” de l’article en vérifiant le niveau de la revue dans le catalogue FNEGE (privilégier les niveaux 1 et 2) ou en regardant le nombre de citations sur Google scholar. Vous aurez plus de chance de tomber sur des perles lorsque vous entrez votre requête en anglais.

Afin d’éviter de lire trop d’articles à faible valeur ajoutée, trouvez directement les auteurs phares de votre sujet. Vous vous en apercevrez rapidement si vous prêtez attention aux citations d’auteurs, qui reviennent régulièrement, dans le corps de vos lectures. Ou bien, le Graal, c’est de tomber sur un article de type “survey” qui a pour finalité d’énumérer tout ce qui se dit dans la littérature. N’oubliez pas de prendre des notes par thème (descriptions, méthodologie, courants, enjeux, contexte,…) avec les références que vous ressortirez lors de la rédaction.

 

La définition du plan du mémoire de recherche appliquée

Une bonne problématique et de nombreuses lectures vont faciliter l’émergence d’un plan au fur et à mesure. Le plan doit guider le lecteur et l’amener vers une réponse claire à la problématique. Il faut donc être soucieux de la cohérence entre les parties et du fil conducteur dans le but de ne pas perdre de vue la finalité du mémoire. Chaque partie est donc un pas vers la réponse, et ça doit se voir.

  1. C’est pourquoi on commence toujours par une revue de littérature. C’est le moment de récapituler tout ce qui se dit sur le sujet et de poser les bases. Dans cette partie, on trouve le contexte, les différents courants et définitions des auteurs.
  2. Toujours dans un souci de cheminement vers la réponse, abordez la place de la problématique et formulez des hypothèses. Ensuite, il est nécessaire d’énoncer les grilles d’analyse tirées de la recherche, et d’en sélectionner une que vous allez appliquer par la suite à votre enquête terrain (voir plus bas). Par exemple : les six domaines qui composent un écosystème entrepreneurial selon Daniel Isenberg.
  3. Après avoir posé les bases théoriques dans les deux sous parties précédentes, vous abordez la méthodologie. Comment va se dérouler votre enquête terrain pour obtenir la réponse à la problématique ? Comment appliquer la grille d’analyse dans votre cas ? Quel échantillon d’individu à sonder ? Interview individuelles, collectives ? Pourquoi ?
  4. On arrive donc logiquement aux résultats de l’enquête, ses interprétations et les recommandations.

Conseil Datalumni : soigner ses transitions pour démontrer le cheminement de votre plan vers une réponse claire à la problématique.

 

La recherche appliquée : l’enquête terrain

Dans un mémoire de recherche appliquée (à un terrain), l’enquête est votre valeur ajoutée. En effet, elle n’a logiquement jamais été réalisée auparavant sur la cible concernée et de telle façon, sinon la réponse à votre problématique serait déjà disponible. C’est donc ce qui va intéresser les professionnels si vous souhaitez diffuser ce mémoire. Attention à ne pas commencer des entretiens terrains avant d’avoir établi votre méthodologie et plan d’action. Il faut ici absolument vous baser sur vos lectures de façon à créer ou reprendre une grille d’évaluation du terrain.

Souvent, pour arriver à une réponse pertinente à la problématique, on découpe l’enquête terrain en phases :

  • Méthode de la récolte d’information (logique top-down ou bottom-up). Dans mon cas, j’ai réalisé un brainstorming avec une dizaine d’acteurs représentatifs de l’écosystème entrepreneurial du digital à Annecy. L’idée était de faire émerger “les actions pour développer une entreprise”.
  • Application de la grille. J’ai placé chacune des actions récoltées dans un des six domaines que composent un écosystème selon Daniel Isenberg (culture, finance, marché, politique,…).
  • Evaluation. J’ai envoyé un questionnaire aux participants afin de noter chacune des actions selon une échelle d’importance et de faisabilité (méthode de S. Cueille, M Cloutier et G. Recasens). Les écarts entre les deux axes m’amènent à une interprétation et une recommandation sur cette action.

A vous de jouer pour la rédaction : simplicité (une phrase, une idée), accroche (des exemples) et esthétique (uniformité et schéma) !