Etat des lieux de l’entrepreneuriat féminin en France

Etat des lieux de l’entrepreneuriat féminin en France.
Entrepreneur s’accorde-t-il au féminin ? Une question qui revient régulièrement, et pourtant les femmes ont deux adjectifs pour le prix d’un : entrepreneure et entrepreneuse. Une place plus restreinte en réalité puisque l’entrepreneuriat féminin représente 40% des créations d’entreprise en France (INSEE, Les créations d’entreprises en 2018). Pourtant, hommes et femmes estiment à part égale que l’entrepreneuriat est un bon choix de carrière (70% pour chaque sexe, selon le rapport Eve Donzel).

Entrepreneure par nécessité 

Dès 1987, la chercheuse Linda Neider montrait que les femmes âgées de plus de 50 ans étaient la première vague d’entrepreneuses, bien souvent dû à un divorce ou à la mort de l’époux. Leur motivation est bien loin d’être un désir de réalisation de soi mais plutôt une obligation pour maintenir un revenu. C’est ce qu’on appelle l’entrepreneuriat par nécessité, qui représente aujourd’hui 30% de cas de plus que les hommes (GEM, 2018). De nos jours, diverses raisons peuvent expliquer ce type de création d’entreprise, comme le manque de travail, de structure de garde d’enfants ou le plafond de verre. Souvent à la recherche de flexibilité, les femmes mettent un pied dans l’entrepreneuriat au moment de la maternité, les fameuses “Mampreneures”.  
Entrepreneuriat féminin par nécessité
Global Entrepreneurship Monitor, Female/Male opportunity driven TEA. 2018
  Cette cartographie montre le pourcentage de femmes impliquées dans une activité de création d’entreprise par opportunité (être indépendante ou accroître son revenu par exemple) et non par nécessité. Un faible pourcentage (couleur jaune) signifie que beaucoup de femmes entreprennent par obligation. Dans les pays en développement ce taux est faible puisque bien souvent les femmes n’ont pas d’autre choix que de créer leur petit commerce pour avoir une rentrée d’argent, en situation de pauvreté. Alors que dans les pays développés, l’entrepreneuriat laisse davantage de place à la réalisation de soi et à la recherche de flexibilité pour les mamans par exemple. Petit hic pour la France, faut-il y voir un plafond de verre toujours existant pour les femmes les poussant à entreprendre ?

Homme / Femme, des entreprises de tailles différentes

Une fois lancées, il faut noter que les entreprises féminines sont de plus petites tailles. Cette différence n’est pas à voir sous un œil négatif puisqu’elle s’explique par le fait que les femmes sont souvent en entreprise individuelle, dans le secteur des services et du social. Ainsi, la masse salariale moyenne est de 0,7 pour les femmes et de 1,1 pour leur homologue. Bien que la peur d’échouer est la même pour les deux genres, les femmes manquent encore de confiance en elles selon Cherie Blair, présidente de la fondation du même nom. Les répercussions sur les financements sont notables avec un taux de rejet de crédit bancaire deux fois plus élevé. Ainsi, ce serait une des explications au chiffre d’affaires moyen de 71K contre 150K pour les hommes (BPI). Aussi, les inégalités du marché du travail impactent le développement de l’entreprise créée. Les femmes ont deux fois moins de chance d’avoir été à un poste de dirigeante avant d’entreprendre. Cela engendre un manque de compétences et de réseau qui se ressent puisque 27% des femmes ont peur de ne pas avoir les compétences nécessaires, contre 9% pour les hommes (BPI). Ainsi, elles représentent seulement 14% des dirigeants de plus de dix salariés, selon l’enquête de l’Institut CSA.

Pourquoi développer l’entrepreneuriat féminin ?

Cheminer vers une diversité de genre est une question d’équilibre et donc de performance au travail. Les approches distinctes du risque et de la collaboration sont bénéfiques pour l’entreprise. On note d’ailleurs que les résultats financiers sont nettement en hausse pour les entreprises ayant un conseil d’administration se rapprochant de la parité. La loi Copé-Zimmermann semblerait porter ses fruits ! La complémentarité d’approche et de compétence impacte donc la productivité et la croissance. Selon l’OCDE, si autant de femmes que d’hommes créaient leur entreprise ou travaillaient, alors la France gagnerait 0,4% de croissance annuelle. Un chiffre plus parlant lorsqu’il est rapporté sur vingt ans, avec 9,4% de croissance. Une telle croissance permettrait la création d’environ deux millions d’emplois pour la génération suivante.

Quelles sont les initiatives pour favoriser l’entrepreneuriat féminin ?

Les femmes ont une difficulté supplémentaire à accéder à des crédits bancaires, bridant la croissance et l’emploi. Pour les aider, la GARANTIE égalité femme a été mise en place par l’Etat et ce depuis 1989. Anciennement appelé FGIF (Fonds de Garantie à l’Initiative des Femmes), elle est dédiée aux femmes en situation de précarité ou demandeuses d’emploi. Le principe de cette garantie est d’exclure les cautions personnelles et de couvrir jusqu’à 80% du montant du prêt, pouvant atteindre jusqu’à 50 000€ de montant garanti. Afin d’informer les femmes de telles initiatives, des réseaux d’entrepreneuriat féminin ont vu le jour. Leur mission est non seulement d’informer mais aussi de conseiller et accompagner les entrepreneuses. Nous pouvons citer entre autre :

Que reste-t-il à faire ?

  • Communiquer à travers les médias

Le chercheur Daniel Isenberg, auteur emblématique concernant le développement des écosystèmes entrepreneuriaux, met en avant l’importance de communiquer sur les success stories. Ce paramètre permet de diffuser la culture entrepreneuriale et est source d’inspiration, surtout à l’échelle d’une ville (Brad Feld, 2013). Pourtant, à l’échelle mondiale, seulement 25% du contenu des médias met les femmes en avant, et dans 46% des cas, ce contenu ne fait que renforcer les stéréotypes sur le genre (Global Media Monitoring Project).
  • Sensibiliser à travers l’école

En 2018, la France peut se féliciter d’être le deuxième pays européen à incorporer des notions entrepreneuriales dans l’éducation post bac. Cependant, dans les formations spécialisées à la création d’entreprise, plus rares sont les femmes. Et si l’enseignement mettait l’accent sur la sensibilisation des femmes à l’entrepreneuriat dès le plus jeune âge ? Des jeux de sociétés aux business game et concours d’idées, il est temps de multiplier ce type d’initiatives qui portent leurs fruits. En effet,  66 % des créateurs diplômés (8% de l’ensemble des fondateurs) ont lancé leur initiative à l’école (INSEE, 2018).  
Global Entrepreneurship Mentor, Basic and Post School Entrepreneurial Education And Training. France.
 
  • Encourager notre entourage

Enfin, encourager l’entrepreneuriat féminin passe aussi par nos actes d’achat. Les plateformes de crowdfunding permettent d’investir dans des projets de création d’entreprise, avec une contrepartie à la clé. Aussi, parler autour de vous des initiatives entrepreneuriales que vous connaissez a principalement trois retombées :
  1. Combler le manque de confiance de la part des entrepreneuses (évoqué plus haut)
  2. Mettre en avant le projet et déclencher des opportunités (actes d’achat, partenariat, accompagnement, financement,…)
  3. Diffuser la culture entrepreneuriale et inspirer d’autres femmes.
La France montre de gros progrès en matière du développement de l’entrepreneuriat féminin. Le tableau est loin d’être tout noir puisqu’en 2010, les créations d’entreprises par les femmes représentaient 30%, un taux qui a fortement progressé, atteignant 40% en 2018 (INSEE). Cependant, encore un trop grand nombre de femmes n’ont d’autre choix que de créer leur emploi. L’entrepreneuriat ne devrait-il pas résulter uniquement d’une volonté personnelle ?