Pourquoi j’ai cubé ? – Interview Prépa

Dans notre article sur la prépa, nous avons abordé la possibilité de “cuber”, c’est à dire de faire une troisième année (une seconde fois la 2ème année) pour obtenir de meilleurs résultats aux concours. Nous avons interrogé trois cubes pour nous parler de cette expérience.

Cube 1
Adrien

Adrien, 21 ans, maintenant étudiant à Neoma Business School. Après avoir obtenu un Bac ES avec mention Bien, il a choisi de faire la prépa ECE du lycée Alphonse Daudet de Nîmes. Il a décidé de changer d’établissement sa troisième année et s’est tourné vers le lycée Claude Monet de Paris.

Alice

Alice, 19 ans, sort de prépa littéraire AL (Hypokhâgne) au lycée Henri IV de Paris. Elle était en spécialité philosophie. Après avoir été admissible à l’ENS et avoir passé les oraux, elle n’a finalement pas été admise. Elle a donc choisi de faire une troisième année de prépa au sein du même établissement. Elle rentre cette année en master de philosophie.

César, 22 ans, a fait ses trois ans de prépa ECS (Economique et Commerciale option Scientifique) au lycée Berthollet à Annecy avant d’intégrer GEM (Grenoble Ecole de Management) où il vient de finir sa première année au sein du Programme Grande Ecole.

 

Pour quelles raisons avez-vous choisi de faire prépa ? 

ADRIEN : Il y a plusieurs raisons qui m’ont poussées à faire une prépa. La première vient de la mauvaise information que j’ai reçue : on m’a dit que la prépa était le seul moyen d’intégrer une Grande École de commerce. On ne m’a jamais parlé des concours tremplin, passerelle ou même des formations post-bac.

C’est aussi la voie qu’avaient choisi quelques membres de ma famille, ce qui m’a également influencé.

Enfin, j’ai suivi un cursus de sportif de haut niveau au lycée qui m’a challengé physiquement. Je voulais voir si j’étais aussi capable de me challenger intellectuellement. Le prépa était un bon moyen de relever ce challenge.

ALICE : J’ai décidé de faire une classe préparatoire parce que je voulais un enseignement assez général et pas encore spécialisé.

CÉSAR : Au lycée, j’hésitais entre faire une licence de droit et une classe préparatoire. J’étais en liste d’attente pour le parcours que je voulais à la fac de droit et un ami m’a convaincu de venir avec lui en prépa. Je n’étais pas sûr de ce que je voulais faire par la suite. C’était donc un moyen pour moi de “temporiser” en ne me fermant pas la porte et en ayant conscience que je pourrais tout de même étudier le droit en école de commerce.

 

Pourquoi avez-vous choisi cette filière de prépa?

ADRIEN : J’ai fais ECE (prépa Economique et Commerciale, option Économie) tout simplement parce que j’ai fait un bac ES et que les filières ECS et ECT (prépa Economique et Commerciale, option technologique) m’étaient donc fermées. Il y avait aussi des classes littéraires, mais je n’ai jamais eu ce profil-là.

ALICE : J’ai choisi cette filière parce que j’étais en L au lycée et que je souhaitais poursuivre des études littéraires, et notamment philosophiques, de manière plus approfondie.

CÉSAR : J’ai passé mon bac en filière scientifique et je voulais intégrer une école de commerce. Il paraissait donc naturel d’opter pour la filière ECS. Néanmoins, j’hésitais aussi avec la filière BL (lettres et sciences sociales) car j’ai toujours été attiré par les matières littéraires. Je n’ai pas été pris dans les prépas que je voulais en BL. C’est pour cela que je me suis retrouvé dans la prépa de mon lycée.

 

A la fin de votre deuxième année de prépa, quels résultats avez-vous eu aux concours ?

ADRIEN : Après les écrits des concours, j’ai obtenu Montpellier Business School, l’EM Strasbourg, Rennes School of Business et Kedge. J’avais énormément de retard après les écrits. J’étais limite sur les barres d’admissibilités. J’ai passé mes oraux, auxquels j’ai eu de très bons résultats. J’ai finalement été admis à Montpellier et Strasbourg, les écrits me pénalisant trop pour les autres écoles.

ALICE :J’ai été admissible à l’ENS Ulm, et mes oraux se sont assez mal passés.

CÉSAR : J’étais admissible à Skema et aux écoles IENA. Sachant que seules les dix premières écoles du classement SIGEM m’intéressaient, je n’ai passé les oraux qu’à Montpellier et Skema. J’étais admis sur liste complémentaire à Montpellier.

 

Pourquoi avez-vous décidé de cuber ?

ADRIEN : Je n’avais pas eu les résultats qui me plaisaient et les écoles dans lesquelles j’avais envie d’aller. Comme je ne savais pas qu’on pouvait passer par tremplin, la fac ou même d’autres établissements d’études supérieures, j’ai décidé de cuber.

ALICE : J’ai décidé de cuber parce que je préférais, la encore, un enseignement pluridisciplinaire à une spécialisation à la fac, et parce que mon admissibilité inattendue m’a poussé à tenter d’intégrer l’ENS véritablement.

CÉSAR : Je voulais une école qui me permettrait d’étudier le droit, c’est à dire qui possédait un parcours en double licence de droit et qui faisait partie plus ou moins du top 10 des écoles de commerce en France. Mes premiers choix étaient Grenoble et Audencia. Je ne les ai pas eues. J’ai donc décidé de cuber. De plus, j’étais conscient de mes capacités, du fait que je n’avais pas assez travaillé et que j’avais donc une marge de progression assez grande pour faire bien mieux. Enfin, je ne voulais surtout pas avoir de regrets et je savais que j’en aurais eus si j’avais intégré Montpellier.

 

Comment avez-vous vécu cette troisième année?

ADRIEN : Mon année de cube a été très contrastée pour plusieurs raisons.

D’un point de vu personnel, j’ai dû changer de ville.  Je n’habitais donc plus chez mon père mais chez mon grand-père à Paris. Vu mes horaires, je ne le voyais jamais. J’habitais tout seul dans une très grande ville et dans un environnement où je ne connaissais personne. Je pense avoir énormément gagné en maturité. Quand on est livré à soi-même on n’a pas le choix. Il faut évoluer. Je pense que c’était la fin symbolique de ma vie d’adolescent pour passer à l’âge adulte. Je suis très heureux de l’expérience que ça m’a apporté.

J’ai très mal vécu mon année de cube au niveau des études. Je me suis imposé des règles très strictes. Levé à le matin à 5h30 – 6h, je révisais mes leçons pour la journée. J’allais en cours de 8h à 17h. Je mangeais un bout de 17h à 17h30 et ensuite je travaillais jusqu’à 22h.  Après ça j’allais à la salle de sport jusqu’à 23h30 et c’était clairement mon seul moment de plaisir de la journée. Une fois que c’était terminé, j’allais dormir, ou plutôt, j’allais m’écrouler dans mon lit. Et ça recommençais le jour suivant. J’avais 1h30 de sport par jour, ce qui est pour moi, pas du tout suffisant car le sport c’est toute ma vie. C’était vraiment trop peu pour évacuer le stress constant imposé par la prépa, ce qui la rendait très dur psychologiquement.

C’était tout aussi difficile pédagogiquement. Quand des personnes, qui ont un an d’expérience de moins que toi, te battent dans toutes les matières, ça fait très mal à la fierté et à l’égo. Ces cours, je les ai déjà suivis il y a plus d’un an et les carrés (les deuxièmes années) qui sont censés les découvrir me mettent 10 points d’écart. Cela peut paraître idiot d’un point de vu extérieur, mais quand on est dans le carcan de la prépa, qu’on est obsédé par ses notes, ses résultats et ses performances en permanence, c’est terrible à gérer.

ALICE : J’ai très bien vécu mon année de cube, beaucoup mieux que les deux premières, parce que j’avais acquis inconsciemment une méthode de travail efficace. Je travaillais donc moins, mais mieux, ce qui me permettait de prendre du temps pour moi, tout en obtenant de meilleurs résultats (ce qui est peut-être lié).

CÉSAR : Ma troisième année a été de loin la meilleure. Je pensais arriver, ne faire que travailler, ne pas m’intégrer au reste de la classe tellement j’avais été déçu des résultats. Mais il s’est trouvé que la promotion qui m’a accueillie était excellente. L’ambiance de classe était bien meilleure que celle de la classe de mes deux premières années. Le fait est qu’ils m’ont tout de suite intégré. Ils avaient une façon de travailler bien plus proche de la mienne à savoir, s’accorder du temps pour s’amuser et travailler efficacement quand il le faut. Ça a suffit pour que je m’épanouisse totalement durant cette troisième année. Je me suis fait des amis exceptionnels. De plus, elle m’a permis de faire une introspection sur ma manière de travailler, sur mes méthodes en particulier, et m’a beaucoup appris sur moi même.

 

Quels résultats avez-vous obtenu après cette troisième année et en êtes-vous satisfaits ?

ADRIEN : Mon objectif à la fin de l’année de cube était l’EMLyon. C’était largement envisageable au vu de mes notes de fin d’année. Je cartonnais en économie, en maths et en langues. Le but était de limiter la casse en culture générale qui n’a jamais été mon fort, mais c’était largement faisable. Alors que j’ai majoré en économie pendant mes trois ans de prépa, j’ai eu 6 aux concours. Eliminatoire. Je pouvais dire au revoir à l’EMLyon et à toutes les écoles alentours (l’EDHEC, Audencia). J’avais aussi passé la banque de concours Ecricome où j’ai eu Kedge, et Neoma qui ne m’intéressait pas du tout. J’y suis allé pour passer mes oraux, en sachant que je voulais intégrer Kedge pour rester dans le sud. J’avais prévu 4h à Neoma, le temps de passer les oraux et de partir au plus vite pour mon sud. Finalement, je suis resté trois jours. J’ai eu un coup de cœur. Je me suis dit en partant qu’il était hors de question que j’aille dans une autre école. Pour moi, le choix était évident. C’était logique.

ALICE : J’ai été, de nouveau, admissible à l’ENS, que j’ai raté de 4 places. Je ne suis pas déçue de ce résultat, parce que je ne m’y attendais pas et que j’ai beaucoup progressé par rapport à la deuxième année. C’est davantage une satisfaction personnelle qu’une réussite académique.

CÉSAR : J’étais admissible à l’ESCP (Ecole Supérieure de Commerce de Paris), GEM, Audencia, Neoma, TBS (Toulouse Business School), Skema et Kedge. J’étais très satisfait, en comparaison avec la première année. J’étais étonné d’avoir une école parisienne. Je ne visais pas du tout l’ESCP et ne l’avais même pas préparée. C’est en partie pour ça que j’ai échoué aux oraux. Au vu de mes notes aux trois écoles parisiennes (HEC, ESSEC, ESCP), je me suis dit qu’elles étaient largement atteignables, que j’aurais pu travailler encore un peu plus, avoir plus d’ambition et obtenir de meilleurs résultats. Même en troisième année, je n’ai pas travaillé “d’arrache-pied” selon moi. J’ai tout de même intégré GEM en étant pleinement satisfait.

 

Est ce que vous avez, à un moment, regretté ce choix de cuber?

ADRIEN : J’ai clairement regretté et je regrette toujours ce choix. Mais ce sont des regrets à nuancer.

Je regrette vraiment de ne pas avoir su qu’on avait d’autres possibilités pour intégrer des écoles de commerce et d’être passé par la prépa.

Elle m’a apporté beaucoup de choses personnellement, académiquement et sur tous les aspects de la vie en fait. Mais je regrette de ne pas avoir su qu’on pouvait faire autrement parce qu’on se donne énormément de mal en prépa, pour un maigre résultat. Les concours sont terriblement injustes et durs et la finalité décevante.

Mais d’un autre côté, j’ai passé une année tellement extra-ordinaire à neoma que je ne regrette pas. Je me dis que c’était peut être chère payé en terme d’investissement, de fatigue, de gestion de stress, d’heure passées devant mes bouquins et mon ordi. Mais au final j’ai tellement aimé mon année en école que je ne regrette pas. Donc si je n’étais pas passé par la prépa, je n’aurais pas cubé et je n’aurais pas cherché à avoir Neoma. Les circonstances auraient été différentes donc je n’aurais certainement pas été à Neoma et ça je l’aurais regretté. Rétrospectivement je sais que je m’en serais voulu de ne pas être allé dans cette école.

ALICE : Non, je n’ai pas regretté de cuber, même si le choix a été difficile car ma deuxième année s’était assez mal passée. J’ai beaucoup appris avec un an supplémentaire, personnellement autant que socialement.

CÉSAR : Je n’ai jamais regretté le choix de cuber, c’est l’une de mes meilleures décisions tant j’ai passé une année incroyable et tant elle m’a permis d’en sortir grandi sur tous les plans.

 

Au regard de votre expérience et de celles d’autres préparationnaires, est-ce que vous conseilleriez à un élève de prépa de cuber ? Sous quelles conditions? 

ADRIEN : Pour moi, cuber c’est un choix très dur. Je pense que la décision est propre à chacun. Ca réussi à certain et pas à d’autres. Il y en a qui ont des écoles qui ne correspondent pas à leurs attentes en carré, qui cubent et qui se retrouvent dans le top 3 voir top 1. Je parle du top 3 et top 1 de leurs préférences personnelles. C’est presque encore plus beau qu’intégrer le top 3 SIGEM (un des classements des écoles de commerce le plus regardé par les élèves). Je pense qu’il y a énormément de conditions qui doivent être rassemblées pour cuber. Déjà, il faut se connaître. Si on ne se connait pas, c’est voué à l’échec.

Voici les questions auxquelles il faut, à mon sens, pouvoir répondre:

  • Pourquoi est-ce que je cube ? Est-ce que c’est parce que je n’ai pas eu les écoles que je voulais ? Et pourquoi je n’ai pas eu ces écoles ?
  • Est-ce que je me suis totalement planté aux concours et je sais que je peux avoir mille fois mieux ? Est-ce que quand on se dit ça on est honnête envers soi même? Ou est ce que c’est juste de la prétention ?
  • Est-ce que, si je me suis planté, c’est parce que je n’avais pas suffisamment travaillé ou est-ce que je suis arrivé à mon maximum de potentiel intellectuel ?
  • Est-ce que j’ai optimisé au maximum mes méthodes de travail ? Auquel cas, est-ce que mes résultats sont le juste reflet, en toute humilité, de mes deux années de prépa?
  • Pour quelle(s) école(s) je cube ? Souvent, c’est ce qui fait avancer les cubes: savoir quelle(s) école(s) on veut vraiment et savoir pourquoi on se lève tous les matins. Je pense que si on n’a pas des objectifs clairs et précis dès le début, on ne peut que se planter. C’est trop dur de cuber pour être hasardeux et évasif sur ses choix et ses buts. Il faut se fixer des objectifs clairs.
  • Est-ce que je suis prêt à passer des mois et des mois à bosser et à faire une croix sur ma vie sociale, sportive, associative, artistique juste pour avaler des bouquins et pouvoir les recracher au moment opportun ?
  • Est-on capable de retourner au front, retourner passer ces trois semaines de concours absolument ignobles et très dures à gérer?
  • Dois-je change d’établissement ou pas ? Pourquoi ?

ALICE : Je pense que c’est un choix personnel qui ne convient pas à tout le monde.

Il faut éviter de prendre en exemple la deuxième année qui est totalement différente de la troisième.

Il vaut mieux ne pas regretter son choix et être sûr que la cube sera utile.

CÉSAR : Je conseillerai à un élève de cuber s’il le faut, oui, mais sous ces conditions:

  • Est-il sûr qu’il ne va pas regretter d’intégrer cette année?
  • Pense-t-il vraiment pouvoir faire mieux (en termes de capacités)? On voit parfois des personnes cuber et obtenir les mêmes écoles l’année d’après. Il faut vraiment être sûr d’avoir sous-performé, ou de pouvoir faire bien mieux comme ça a été mon cas.
  • Les écoles visées sont-elles vraiment très éloignées, en termes d’intérêts pour sa future carrière, de celles qu’il a obtenu? Par exemple, viser GEM ou Audencia et vouloir cuber sur Neoma doit être bien réfléchi. Est-ce pertinent de faire une année de plus ?

Nous espérons que ces trois témoignages vous auront, aidé, inspiré, ou au moins diverti. Quoi qu’il en soit, faire une troisième année de prépa n’est jamais anodin. Mais personne ne peut, ne doit prendre la décision pour vous. Réfléchissez-y en âme et conscience et faite le meilleur choix pour votre avenir.